Confinement #1 : impact de la crise sanitaire sur les entreprises coopératives

A la fois en première ligne et à l’arrêt partiel ou total, l’impact de la crise sanitaire sur les entreprises coopératives n’est pas homogène. Selon les secteurs d’activité, elles ont assuré la continuité de service ou mis en place des solidarités pour faire face à l’arrêt de leur activité pendant les deux mois de confinement.

Des entreprises en première ligne

Pendant la période de confinement, les entreprises coopératives ont pris leur part, en maintenant une continuité de service, en poursuivant les activités essentielles, notamment alimentaires, et en participant à l’effort de solidarité nationale.

Coopératives agricoles : 28% de perte de chiffre d’affaires entre mars et mai

Les coopératives agricoles ont joué un rôle de premier plan en assurant la continuité de la production alimentaire. Elles ont garanti la collecte et la vente des produits des agriculteurs. Elles ont dû s’adapter à un contexte inédit : doublement des commandes de beurre, farine, œufs, hausses de 20 à 30% pour les poulets, dinde, fruits et légumes, effondrement d’autres produits, comme la viande de bœuf et les boissons alcoolisées (50% de perte en moyenne).

Mais les coopératives agricoles ont également connu une diminution massive de certains marchés : -62% en moyenne en restauration hors domicile (RHD), -28% sur l’export et -44% en vente directe. Les secteurs les plus impactés : la viticulture, avec une perte de 60% de ses ventes pendant le confinement, et l’horticulture. Entre mars et mai, la perte du chiffre d’affaires est de 28%.

Dès le mois d’avril, La Coopération Agricole appelait le Gouvernement à mobiliser un grand plan d’action en faveur de l’agriculture, au risque de voir disparaître de nombreuses entreprises.

Soutien de la grande distribution coopérative aux producteurs français

Les coopératives de commerçants de la grande distribution, les coopératives de consommateurs et certains supermarchés coopératifs et participatifs ont assuré la continuité de services auprès des consommateurs pendant toute la période de confinement.

Les coopératives de la grande distribution ont particulièrement soutenu les filières agricoles françaises et les producteurs locaux. E.Leclerc s’est engagé dès les premiers jours du confinement à soutenir les agriculteurs français, notamment sur les filières asperges, tomates, concombres et fraises. Tous les prospectus ont donné la priorité à l’origine France, malgré les commandes antérieures. Système U a également porté une attention particulière aux filières agricoles locales et aux PME françaises. La coopérative a lancé un appel aux PME locales qui souhaitaient vendre leurs produits dans ses magasins, notamment celles qui d’habitude écoulent leurs œufs, leur viande, leur charcuterie ou leurs produits horticoles sur les marchés alentour. En temps normal, une part de 20% de l’approvisionnement d’un magasin est déjà assurée localement. Dès le 19 mars, la coopérative a également pris l’engagement de payer comptant toutes les PME et TPE qui livrent ses entrepôts, au lieu des délais habituels de 60 jours et 30 jours pour les produits frais. Un effort de trésorerie de 150 millions d’euros pour la coopérative.

U et E. Leclerc

Coopératives d’artisans : le service aux sociétaires

Les coopératives d’artisans ont, quant à elles, continué à exercer leur activité au service de leurs sociétaires mais aussi de leurs concitoyens dans de nombreux domaines essentiels : le transport des personnes malades ou nécessitant des traitements réguliers voire de personnel médical pour les coopératives d’artisans taxis, la réparation des machines utilisées par les agriculteurs pour les coopératives d’artisans ruraux, la réparation et l’entretien des véhicules de pompiers, d’ambulances, du personnel médical, des transporteurs, etc.

Le service aux sociétaires -on dit aussi adhérents- est l’une des principales forces des coopératives d’entreprises. Tandis que globalement les coopératives d’artisans ont été multi-impactés par la crise (baisse du chiffre d’affaires pour 85%), les secteurs du Bâtiment, des services à la personne, alimentaire et couture ont vu leur chiffre d’affaires progresser. Les coopératives artisanales d’achat ont assuré une continuité de services à leurs membres, notamment pour l’achat et le stockage de matériels, et contribué au retour de leurs adhérents sur les chantiers. En avril, le recul du chiffre d’affaires a atteint 40%, il n’était déjà plus que de 10% en mai.

71% des PGE distribués par les banques coopératives

Les banques coopératives ont joué pleinement leur rôle de soutien de l’économie locale. Elles ont assuré la continuité de leurs services en maintenant une majorité d’agences ouvertes mais surtout, elles ont pris des mesures d’urgence : report d’échéances de crédit, couverture des frais d’exploitation pour les professionnels de la restauration, suspension des procédures de recouvrement pour les entreprises, etc. Dès le 25 mars, elles ont délivré les premiers Prêts Garantis par l’Etat pour financer les besoins urgents de trésorerie des entreprises et des associations. Près de trois quarts des PGE (plus de 71 %), en particulier auprès des PME, ont été distribués par les banques coopératives, l’équivalent de 4% du PIB.

La crise sanitaire a donné l’occasion à certaines banques non coopératives de mettre en avant leurs liens avec leurs territoires, mais cela ne leur a pas permis de faire la différence avec les banques coopératives qui restent loin devant. Selon le baromètre DIFFCOOP© 2020 publié en septembre, les banques coopératives sont perçues comme plus solidaires que leurs concurrentes et plus en proximité avec leurs clients.

Soutien des banques coopératives à l’économie locale

Le Groupe BPCE a accordé 520 000 reports d’échéances, soit plus de 5 Mds de mensualités, et débloqué pour 27 Mds de PGE. 4 000 clients ont été éligibles à une garantie liée à la pandémie, soit au total 180 M€ (au 6 mai 2020). Banque Populaire, Caisse d’Epargne, Natixis, Banque Palatine, Casden et Crédit Coopératif se sont mobilisés dans un même élan, en France comme à l’international, pour trouver des solutions pertinentes et adaptées aux besoins de leurs clients.

Pour faire face à la crise, le Crédit Coopératif et sa filiale BTP Banque ont reporté les échéances d’environ 20 000 prêts correspondant à 2,6 milliards d’euros d’encours de créances et ont octroyé plus de 3 300 prêts garantis par l’Etat (PGE) pour un montant total de l’ordre de 900 millions d’euros. Le Crédit Coopératif en a réalisé 73 % (dont 27 % au profit de ses clients coopératives, 22 % de ses clients de l’économie sociale et institutionnelle et 19 % pour la distribution), et BTP Banque 27 % (au profit des professionnels du BTP).

focus Banques Populaires-Adie

Mobilisée depuis le début de la crise comme toutes les caisses du Crédit Agricole, la caisse régionale du Crédit Agricole Val-de-France a concentré ses efforts pour anticiper les difficultés des entreprises locales. Un contrat multirisque professionnel ou multirisque agricole a été mis en place pour soutenir 300 clients professionnels et 150 clients agriculteurs sur le territoire, soit un versement d’1,9 million d’euros.

Face à l’urgence de la situation, les Assurances du Crédit Mutuel et CIC Assurances ont créé une prime de relance mutualiste pour soutenir les artisans, commerçants, professionnels et PME et compenser une partie de leur perte de revenus. D’un montant moyen de 7 000 euros, cette prime de relance mutualiste, comprise entre 1 500 et 20 000 euros, a mobilisé près de 200 millions d’euros.

« On a fait des réserves les années précédentes pour ces heures difficiles. Pour tout vous dire, ça fait 75 ans de cotisations. (…) Aujourd’hui, c’est le problème collectif qui vaut. Moi je suis convaincu que le mutualisme, c’est aussi s’occuper du collectif. » Nicolas Théry, président du Crédit Mutuel Alliance Fédérale, France Inter, 22 avril 2020

Des secteurs entiers à l'arrêt

Les coopératives de commerçants, hors secteur alimentaire, ont dû fermer leurs vitrines et se sont retrouvées avec un chiffre d’affaires réduit à zéro. Pourtant, par la voix de leur fédération, la Fédération du Commerce Coopératif et Associé, elles se sont pleinement engagées à honorer le paiement auprès de leurs fournisseurs, conscientes que ce sont les PME qui sont les premières victimes de cette situation sans précédent.

Solidarité des coopératives de commerçants avec leurs fournisseurs

BigMat, coopérative de négociants en matériaux de construction, a rapidement demandé à ses adhérents de respecter les échéances de paiement auprès de leurs fournisseurs. Camara, coopérative de passionnés de photo, a fortement incité ses adhérents, fermés depuis le 14 mars, à jouer pleinement le jeu de l’intérêt collectif et individuel afin de protéger les salariés et d’anticiper la reprise de l’activité.

Dans cette période de crise inédite, la FCA s’est associée à quatre autres fédérations du commerce pour demander l’annulation des loyers et charges commerciaux aux bailleurs et au Gouvernement.

4 Scop et Scic sur 5 ont fait appel aux aides d’urgence

Selon les résultats d’une enquête publiée par la Confédération générale des Scop en mai 2020 sur l’impact du Covid-19 sur les Scop-Sociétés coopératives et participatives et Scic-Sociétés coopératives d’intérêt collectif, 46% des coopératives impactées subissent une perte de chiffre d’affaires de 50% et plus à fin avril. 79% d’entre elles ont fait appel aux aides d’urgence : activité partielle (92%), report de paiement de charges sociales (55%), prêt garanti par l’Etat (29%), Fonds de solidarité (21%), aides du mouvement Scop (11%), et 44% comptent (re)faire appel aux aides d’urgence. 60% des Scop étaient en reprise partielle et progressive en mai, 29% en reprise totale.

Perte du chiffre d’affaires des coopératives de transport entre 40 et 80%

Les coopératives de transport ont continué de travailler pour acheminer les produits de première nécessité (médicaux, alimentaires) mais ont été fragilisées avec un arrêt partiel ou total de l’activité dans certains secteurs (transport de personnes, messagerie) et une perte du chiffre d’affaires, entre 40 et 80%. C’est un coup dur pour le transport : le secteur de la messagerie a connu une période d'arrêt total, avec la fermeture des artisans, des garages…, puis une reprise progressive ; le secteur d’activité bennes, a subi un fort impact sur le vrac mais pas sur l’alimentaire ; le secteur du transport frigorifique n’a pas supporté trop de casse, au contraire ; mais c’est pour le transport routier de personnes que la crise a eu le plus de conséquences, l’arrêt a été complet et la reprise très faible. Un point positif : l’image des transporteurs, redorée.

Sources: Membres de Coop FR (résultats d’enquêtes ou bilan en interne)

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