séchoir coopératif

La revitalisation des territoires par le modèle coopératif : le cas du Pays Basque

19 mai 2025

Réunis en voyage d’étude au Pays Basque du 14 au 16 mai 2025, les membres du conseil d'administration de Coop FR, mais aussi la responsable du plaidoyer d’ESS France et le député d’Indre-et-Loire Les Écologistes ont eu la preuve que le modèle coopératif est indissociable de son territoire et permet la sauvegarde du patrimoine et des savoir-faire.
Qu’on soit le PDG d’une Société coopérative et participative (Scop), président d’une coopérative d’artisans, de marins-pêcheurs ou de “travailleurs” comme à MONDRAGON, la question du territoire et de l’identité est au coeur du projet. 

Attachées au territoire

La Scop Alki, spécialisée dans la fabrication de meubles contemporains, vient de s'installer sur son nouveau site à Larressore (Pyrénées-Atlantiques). 16 millions d'euros ont été investis pour la construction de cette usine moderne de 10 000 m². Une usine forcément design, qui se fond dans le territoire. L’objectif ? Dynamiser l’emploi sur le territoire, autrement que par les secteurs de l'agriculture et du tourisme. Son PDG, Eñaut Jolimon de Harraneder, explique qu’elle a doublé sa capacité de production et ses emplois, avec aujourd’hui 47 salariés tous associés et 6,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023. 

Pierre Oteiza, éleveur-charcutier-artisan, a grandi dans la Vallée des Aldudes et l’a pour ainsi dire “réveillée” en réintroduisant le cochon basque, Kintoa. Les éleveurs à l’époque quittaient la vallée pour trouver du travail, comme lui, revenu avec cette race porcine en voie d’extinction. En 1985, ils étaient 25, aujourd’hui ils sont 7 000 porcs. La création du séchoir coopératif à jambons en 1999 a permis de multiplier la production. Neuf personnes y travaillent, la maison Oteiza emploie au total 65 personnes.

Didier Martinez et Patrick Emasabal, président et directeur général de La Basquaise témoignent du rôle de la coopérative maritime sur le territoire. Créée en 1945 par les pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure, elle avait pour objectif premier l’approvisionnement des bateaux du port en rogues (œufs de morue) en provenance d’Islande pour la pêche à la sardine. Aujourd'hui, elle assure l’avitaillement des navires des 50 entreprises de pêche adhérentes -250 marins pêcheurs- grâce aux dépôts de carburant qu’elle gère et qui sont situés sur les deux ports. La coopérative exploite également une fabrique de glace et une station agréée de révision de radeaux. 

La réussite du Groupe coopératif basque espagnol MONDRAGON est internationalement reconnue. L’emploi se répartit à 43,3 % pour la Communauté autonome basque, 43,2 % en Espagne et 13,5 % en Outre-mer. L'activité de MONDRAGON s'articule autour des personnes et d’une approche locale. Tous les salariés ont vocation à être associés. Aujourd'hui, elle est composée de 92 coopératives autonomes, indépendantes, emploie environ 70 500 personnes et est reconnue pour sa dimension humaine, son impact social et sa compétitivité. 

Sauvegarder un savoir-faire

Plus qu’un savoir-faire, il s’agit pour les coopératives de sauvegarder l’excellence, le caractère, l’identité. Alki, auréolé de ses labels EcoVadis et Entreprise du Patrimoine Vivant, est avant-tout un spécialiste réputé du design. De la création de la chaise de la salle Ovale de la Bibliothèque Nationale de France (BNF) à celle du restaurant Cobo House de Janice Wong à Hong Kong, en passant par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, les hôpitaux, les bureaux et hôtel, une maison de pêcheurs…, la Scop fait rayonner la tradition de chaiserie du Pays Basque et des Landes. 

Frantxoa Oteiza, fils de Pierre, est responsable du séchoir coopératif à jambons et prend la relève de son père. La qualité du jambon, nous dit-il, est dûe à la race du cochon Kintoa et au temps long -1 à 2 ans- apporté à son affinage, à l’air extérieur. Sous AOP -Appellation d’Origine Protégée- depuis moins de 10 ans, le séchoir accueille aujourd’hui 45 000 jambons !

Les pêcheurs sont fiers de leur territoire et de leur production. En témoigne Serge Larzabal, président du Comité des Pêches Maritimes Pyrénées-Atlantique Landes : 6000 tonnes de poissons débarqués en 2024 ! « Saint-Jean-de-Luz est le premier port de l’espèce Merlu en France. » Depuis 2002, les pêcheurs ont obtenu l’appellation “Merlu de ligne de Saint-Jean-de-Luz”, l’un des fleurons de la pêche locale, pour conquérir les marchés au-delà du Sud-Ouest. Il s’agit d’une reconnaissance d’un produit haut de gamme pour valoriser un produit et une pêche respectueuse de l'environnement.

« On peut tout faire en coopérative de travailleurs. Le “keypoint” c’est la gouvernance ! » Iñigo Albizuri, vice-président du Groupe MONDRAGON 

Le savoir-faire de MONDRAGON, c’est le “business” en plaçant les femmes et les hommes avant ! « On peut tout faire en coopérative de travailleurs. Le “keypoint” c’est la gouvernance ! » selon Iñigo Albizuri, son vice-président. MONDRAGON est structuré en quatre domaines d'activité : Finance, Industrie, Distribution et Connaissance. Elle est compétitive sur un marché mondial et cherche le progrès commun. Elle s’est dotée de sa propre université (Mondragon Unibertsitatea), d’une mutuelle de prévoyance liée à l'emploi (LagunAro), d’un nouveau centre de promotion des entreprises, d’une institution bancaire (Laboral Kutxa), de 5 centres technologiques, 7 unités de R&D d'entreprise et de nombreuses entreprises industrielles et de vente au détail.

La coopération chevillée

À la création de la Scop Alki en 1981, les cinq fondateurs se sont formés à la coopération auprès du Groupe MONDRAGON ! Le militantisme coopératif se vit au sein de la coopérative où les salariés, tous associés, entrent dans l’usine par l’unique porte, sans distinction. Elle rappelle sa culture coopérative, transmise par les anciens et qui sera transmise aux générations futures. L’engagement de la Scop se traduit également par les projets qu’elle soutient, pour le développement de l’agriculture paysanne, la monnaie locale, l’épargne populaire, le soutien à la langue basque… et depuis 2020, elle a opté pour la coopérative Enargia comme fournisseur d’électricité 100% renouvelable !

De l'autre côté de la frontière, la coopérative basque espagnole a dispensé en 2023 15 008 heures de formation à la coopération auprès de ses nouveaux membres et organes de direction. Trois coopératives du Groupe ont créé en 1997 la MONDRAGON unibertsitatea, une université qui a formé en 2023 pas moins de 8 695 personnes. Au total, ce sont 23 424 personnes qui ont été formées dans les centres d’éducation de MONDRAGON en 2023 !

Tout transpire collectif dans la Vallée des Aldudes. Outre les cinq éleveurs charcutiers fondateurs du séchoir à jambons, l’outil a été pensé collectif dès le départ, il est ouvert à l’extérieur à hauteur de 20%, aux voisins et autres bouchers-charcutiers. Les mêmes sont à l’origine de la naissance en 2014 d’une fromagerie coopérative regroupant 35 éleveurs de brebis et de vache, Aldudeko Esne Kooperatiba. Enfin, non loin, de Saint-Etienne de Baïgorry à Saint-Jean-Pied-de-Port, l’AOP d’Irouléguy s’étend sur 15 communes, une renaissance coopérative grâce à la cave coopérative du vin AOP Irouléguy.

L'Organisation des Producteurs (OP) Pêcheurs d'Aquitaine est organisée en coopérative avec une mission de gestion des droits de pêche et d’organisation du marché, notamment à la criée, confirme David Milly, son directeur. L’organisation des producteurs de Boulogne à Hendaye se fait sous forme coopérative. C’est un statut particulier puisque la coopérative n’est pas propriétaire de la pêche de ses adhérents. Elle peut en revanche se positionner dans la criée. La coopérative achète et revend la marchandise, par exemple le poisson bleu, les espèces saisonnières, la sardine, le maquereau, le thon…